Entretien éclair avec la direction scientifique : Dr Rick Glazier

IRSC : Quelle est l’importance de la recherche dans la restructuration des soins primaires au Canada?

Dr Glazier : Nous sommes confrontés à des défis sans précédent en ce qui touche les soins primaires. En effet, des millions de personnes au Canada n’ont pas de fournisseur de soins attitré, ce qui entraîne des conséquences bien concrètes : de nombreuses visites aux urgences et des retards dans le diagnostic et le traitement.

Depuis la pandémie, les problèmes de main-d’œuvre en santé ne touchent pas seulement le Canada, mais bon nombre de pays s’en sont beaucoup mieux sortis que nous.

La recherche est essentielle pour se renseigner sur les stratégies qui fonctionnent ailleurs. Elle permet également de mesurer l’efficacité des changements dans les politiques; c’est ce qu’on appelle la recherche sur la mise en œuvre. On veut éviter de découvrir, cinq ans plus tard, qu’on a investi des sommes considérables dans un virage stratégique ou une initiative qui ne fonctionne pas. Le but est de suivre l’évolution de la situation en temps réel, ou presque, afin de rectifier le tir et de maximiser les bienfaits et les retombées.

IRSC : Pourriez-vous nous donner un exemple concret des retombées positives de la recherche dans ce domaine?

Dr Glazier : Un excellent exemple est le portail eConsult créé par la Dre Clare Liddy, chercheuse à l’Université d’Ottawa. Ce système permet aux médecins de famille, comme moi, de consulter des spécialistes, tels que des cardiologues, des dermatologues ou des neurologues, dans les cas où il n’est pas nécessaire pour le spécialiste de rencontrer le patient. Le médecin peut donc s’en servir pour trouver un spécialiste, lui transmettre les résultats de laboratoire et d’imagerie, et, en quelques jours, obtenir son avis, ce qui épargne temps et efforts pour les patients.

Voici un autre exemple : le comté de Renfrew, en Ontario, a mis sur pied un programme de soins virtuels permettant aux patients d’obtenir une consultation à distance avec un médecin traitant. En cas de besoin, des infirmiers praticiens et des ambulanciers paramédicaux sont disponibles pour les visites en personne. Il faut voir le patient en chair et en os pour certains rendez-vous, mais pas tous. Les consultations en ligne permettent ainsi à un plus grand nombre de personnes de recevoir des soins médicaux de la part d’un médecin traitant.

Ce type d’innovation numérique a un effet multiplicateur et se répand progressivement dans tout le pays.

IRSC : À quoi pourrait ressembler un système de soins primaires fonctionnel dans l’avenir?

Dr Glazier : Je vois un avenir où mes compétences et celles des autres professionnels de la santé seront pleinement exploitées et où l’IA s’occupera des tâches fastidieuses.

Des études récentes nous donnent déjà un aperçu du futur : les professionnels de la santé pourraient optimiser leur temps en effectuant moins de tâches administratives, comme la saisie de notes. Les résultats montrent que la transcription par IA, qui prend en charge la prise de notes, est non seulement efficace, mais aussi appréciée par les médecins pour le gain de temps et l’amélioration des relations avec les patients. À l’avenir, l’IA pourrait également déterminer quels patients ont besoin d’une prise de sang ou d’un vaccin antigrippal, puis transmettre une requête au médecin ou envoyer un rappel automatique au patient. Ça représenterait un beau gain de temps pour le cabinet médical, puisque les patients arriveraient préparés, en ayant passé par toutes les étapes requises avant leur consultation.

L’avenir sera marqué par des services proactifs, mieux organisés et davantage axés sur le numérique. J’espère que l’environnement de travail sera stimulant et agréable pour nous les acteurs humains, car nous pourrons nous concentrer sur les échanges interpersonnels et sur les tâches que nous sommes les seuls à pouvoir accomplir.

Date de modification :

2025-09-08